Situation concrète : Vers une agence du remplacement ... Lettre ouverte de notre collègue Régine Venet

Publié le par Collectif Ecoles Ouest Lyonnais

à Monsieur Aubry, Inspecteur d’Académie du Rhône,

à Monsieur Darcos, ministre de l’Education Nationale,

 

Je décide, alors qu’il est 5h00 du matin et que la colère grondant en moi m’empêche de dormir, de vous écrire afin de vous exprimer la profonde amertume qui m’habite en cette période de « crise » ; cette crise, en plus d’être économique, pour moi comme pour bien d’autres, prend la tournure d’un combat déloyal contre l’institution Education Nationale tout entière, combat destiné à défendre justement, honnêtement, L’ECOLE POUR TOUS, à laquelle je crois plus que jamais, parce que j’en suis issue.

Je me permets donc de vous exposer ma situation, le plus brièvement possible, afin que vous compreniez les raisons de ma révolte ; je vous demande de bien vouloir prendre le temps de me lire :

 

 j’ai obtenu le concours de l’Ecole Normale dans le Rhône en 1986 et j’ai été titularisée en 1988. Je pense avoir, depuis cette date, loyalement servi l’Etat, ceci sur des postes fixes essentiellement en milieu rural, dans l’unique but qui a toujours été le mien : permettre à chaque élève  de devenir citoyen et d’apprendre à son rythme pour pouvoir ensuite faire les meilleurs choix possibles dans sa vie…

 

 Mon travail, que j’ai toujours cherché à accomplir au mieux, m’a aussi amenée à vivre des difficultés de santé majeures, qui m’ont conduite à prendre un Congé Longue Maladie en 2000/2001 et ensuite, à mi-temps, un poste de réadaptation. J’ai repris mes fonctions en septembre 2004 sur un poste classe en primaire, après avoir longtemps exercé en maternelle.

 

 Vivant toujours des difficultés importantes face à la réalité de la classe et de la vie, malgré un traitement médicamenteux et un suivi en thérapie, j’ai décidé, avec l’aide de ma psychiatre, ainsi que du médecin conseil, de participer au mouvement 2008 et de demander, dans le but de pouvoir pendant un temps, entre autres, me désinvestir de la charge trop importante que m’occasionnait la classe et découvrir d’autres terrains ainsi que rencontrer différentes pratiques de la pédagogie. J’ai obtenu un poste de Titulaire Mobile Formation Continue.

 Cette nouvelle fonction a effectivement satisfait en grande partie mes attentes jusqu’au 5/12/08 où vous avez, Monsieur l’Inspecteur d’Académie, pris la décision d’interrompre les stages en « découpé » de langue vivante 1ère année, pour  lesquels j’intervenais depuis 3 semaines dans 4 classes de l’agglomération lyonnaise, ceci afin d’utiliser les brigades FC comme moi à des remplacements plus prioritaires. On m’a donc demandé d’assurer le remplacement d’un maître en congé maladie, que nous savons aujourd’hui malheureusement en arrêt pour un temps assez long. J’ai donc pris en charge une classe de 29 CM1, où l’enseignant m’avait laissé le plus d’instructions possible et de documents prêts à l’utilisation, me prévenant que la classe était difficile ;  je l’en remercie.

 Vous pourrez comprendre, j’espère, combien j’ai été contrariée de ce changement de programme, me voyant au fil des jours, contrainte d’accepter une situation non choisie, sur une classe difficile à gérer, très affectée par l’absence du maître référent,  me demandant inévitablement un investissement majeur et beaucoup d’énergie.

 Après avoir pris en main, tant bien que mal, la situation de classe, j’apprends hier, en téléphonant au bureau de l’Inspection Académique, qu’aucune décision n’a encore été prise sur la suite des remplacements de congé maladie comme celui-ci et qu’il n’y en aura vraisemblablement aucune cette fin de semaine ; que j’apprendrai sans doute pendant les vacances, par mail ou téléphone, si je suis reconduite sur ce remplacement.

 J’ai bien sûr exprimé mon inquiétude sur la suite de la prise en charge de cette classe, et la nécessité selon moi qu’il y ait un suivi professionnel et structurant de ces élèves déstabilisés pour maintes raisons, présentes et antérieures (Ils sont à signaler au RASED encore existant mais débordé bien sûr !). J’ai aussi dit que, même si ce n’était pas mon choix initial, j’étais d’accord pour rester affectée sur ce remplacement pendant le temps nécessaire au rétablissement de mon collègue, tout ceci dans l’intérêt, prioritaire pour moi, des élèves concernés. Mais bien sûr, j’ai demandé à en être informée avant la fin de la semaine, car ce remplacement me demanderait une préparation certaine pendant les vacances afin de protéger ma santé pendant les semaines de classe au retour des vacances, déjà suffisamment chargées !

 L’interlocuteur, qui m’a bien écoutée, s’est dit désemparé et consterné lui aussi par cette situation, similaire à bien d’autres, et j’ai compris qu’il n’était, comme bien d’autres, que l’exécutant de consignes aberrantes décidées en haut lieu. Il s’est aussi dit dans l’impossibilité de m’adresser à un interlocuteur plus à même de répondre à mes questions.

 

Je voulais, à travers l’exemple de ma situation actuelle, vous témoigner ma profonde inquiétude quant à tout ce que le ministère est en train de mettre en place pour réduire les moyens dans l’école publique en faisant croire de façon déguisée que ces mesures sont destinées à déjouer l’échec scolaire…. Je constate que, cette inquiétude, je la partage avec bon nombre d’enseignants en France … Je suis consternée de voir la difficulté que nous avons à nous faire entendre et apparaître de bonne foi, la désobéissance dans laquelle certains courageux se font fort de s’engager, l’énergie qu’il nous faut déployer en plus de nos heures de classe, de réunions, de préparations et corrections pour alerter les parents et l’opinion publique, alors que nous devrions pouvoir ensemble, sereinement, œuvrer pour une école de qualité, base de notre société moderne…

Victor Hugo l’a dit, et j’en suis convaincue : « Ouvrons des écoles, fermons des prisons ! ». Quelle affliction de voir qu’au 21ème siècle on est capable de faire aussi largement fi de telles paroles pourtant portées par un penseur illustre ayant laissé trace!!!

Je n’ai pas l’intention de désobéir, j’accomplirai la mission qu’on me confiera de mon mieux ; par contre, je continuerai à informer tout citoyen français accessible de la déchéance qui guette notre nation et dont je vous porte hautement responsables… et j’irai dans la rue, autant de fois qu’il le faudra, sur mon temps libre essentiellement car je n’ai pas les moyens de faire souvent grève et que je ne veux pas accréditer la thèse du fonctionnaire fainéant, payé malgré tout, toujours contre les réformes !

 

 

                        Contente et apaisée, pour un temps, d’avoir pu ainsi juguler ma colère, je vous prie de croire, messieurs les hauts responsables de l’Education Nationale, en mon profond attachement au service public. J’espère avoir très rapidement l’honneur d’être entendue, dans ma situation et celle de ces élèves, et surtout, dans la situation plus large que je dénonce à travers cet exposé.

Je vous en remercie par avance.

 

                                                                                  Régine VENET


Lettre rectifiée en quelques points ce dimanche 21/12 :
j’ai eu, quelques heures, après la diffusion par mail de cette lettre, que je voulais rapide, un mail du bureau des remplaçants, m’indiquant que j’étais, avec mes collègues brigades FC, reconduite sur mes remplacements de stage LVE à la rentrée de janvier.

D’où vont sortir les nouveaux remplaçants, seront-ils affectés sur des remplacements comme celui-ci ?… Ne risque t-on pas de voir sortir de l’agence de remplacement des gens mal intentionnés ou simplement intéressés par les besoins de gagner leur vie et d’avoir plus de vacances que les autres, sans motivation particulière pour l’enseignement, ou bien encore des petits jeunes bardés de diplômes de fac qui seront vite dégoûtés du métier….. Tous les doutes sont permis…


Ma colère est toujours présente même si les vacances m'ont permis de prendre de la distance et de me reposer; j'ai appris ce midi que dans l'école où j'étais en décembre et où 2 classes attendaient donc un remplaçant ce 5/01/09, une seule personne était arrivée à 11h30, après avoir été contactée à 10h dans son école de rattachement et que la directrice avait dû décider quelle était la  classe sur laquelle elle faisait une priorité de l'affecter, ne sachant pas quand serait faite la 2ème nomination!!! Je rappelle que cela concerne un congé maladie jusqu'en mars au moins (celui que j'ai suppléé 2 semaines) et un congé maternité, tous les deux étaient bien sûrs connus des services avant les vacances !!! 

Publié dans Agence du remplacement

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